Plusieurs centaines de personnes, environ 800, se sont rassemblées le dimanche 17 janvier au gois de l’Île Berder, dans le golfe du Morbihan, pour protester contre le projet d’hôtel de luxe, déposé par le groupe Giboire.
Il faut dire que le projet est pharaonique : hôtel de luxe de 80 chambres, piscine, spa, hammam, parking de 100 places, de nature à dénaturer ce petit joyau de la nature qu’est cette île, une des rares du golfe accessibles à pied à marée basse et où les habitants du voisinage ont l’habitude de venir se promener librement. Déjà Michel Giboire, qui est propriétaire de l’île en a fait sa résidence secondaire, ce qui est son droit, dans les anciennes pêcheries, mais il a, contrevenant à la loi, détourné le chemin côtier pour ne pas être dérangé par les promeneurs.
L’association Berder ensemble, dont Marc Chapiro, qui nous a alertés, est le président, est vent debout contre ce projet. Elle a été rejointe dans ce combat par 20 associations et est soutenue par trois parlementaires morbihannais, le sénateur Joël Labbé et les députés Hervé Pellois et Paul Molac. Ce rassemblement n’est pas le premier qu’ils organisent. Ils se rebellent contre les atteintes à cet espace remarquable, classé Natura 2000 et proposent d’en faire « un lieu où se côtoient la nature, les activités sportives et culturelles et aussi des activités économiques qui permettent les équilibres nécessaires ». Ils militent d’ailleurs pour faire de l’île un parc départemental.
Il est à remarquer que le cas de l’île Berder n’est pas un phénomène marginal, ni en Bretagne, ni en France. Auparavant, propriété d’Yves Rocher, elle était louée à Loisirs, Vacances, Tourisme, une association à but non lucratif de tourisme populaire. Seulement les propriétaires n’ont jamais réalisé les travaux nécessaires d’entretien. La nécessité de travaux est un alibi pour permettre au tourisme de luxe de s’en emparer. Dans mon secteur natal plusieurs transferts ou tentatives de transferts de ce genre sont à signaler et la liste serait longue à établir pour le territoire breton. A Saint-Briac-sur-Mer, le château du Nessay avait été acheté en son temps par la municipalité d’alors qui l’avait dévolu aux activités nautiques et classes de mer. Les municipalités qui ont suivi n’ont pas assuré les travaux nécessaires et il a été transformé en hôtel 4 étoiles. À Dinard l’ancien muséum de la mer est devenu un hôtel 5 étoiles. Le groupe Beaumanoir, à Saint-Malo vise le château de la Briantais, et son parc dominant la Rance, qui appartint à l’ancien maire Guy La Chambre, aujourd’hui propriété communale, pour en faire un hôtel de standing…
Après la dernière guerre mondiale, dans la mouvance du programme du Conseil national de la Résistance, des comités d’entreprises, des municipalités ont acheté des grandes propriétés pour permettre au plus grand nombre de profiter de la mer (mais aussi de la campagne ou de la montagne). Puis est venue la désindustrialisation et la diminution des moyens des collectivités locales, le dernier avatar est la suppression de la taxe d’habitation. La gestion de ces équipements est devenue difficile d’autant que les conditions d’exploitation sont devenues draconiennes, mais si la sécurité le justifie, on n’a pas accompagné les collectivités pour qu’elles y souscrivent. Et pour une certaine partie de la population, ces établissements mis à la disposition des plus humbles, c’était, comme on dit par chez moi, de la confiture donnée aux cochons. D’autant, comme les statisticiens économiques le constatent que si la pauvreté devient galopante, les nantis, eux voient leurs fortunes gonfler sans cesse…
Il faudra sans doute revenir plus longuement sur ce phénomène d’appropriation, au bénéfice des plus aisés, de ce patrimoine bâti ou naturel, avec d’ailleurs l’approbation, comme à Larmor-Baden d’une partie de la population, sans malice pour certains qui n’y voient là que le moyen simple de régler une situation difficile. Pour aujourd’hui, en appelant à la vigilance, nous saluerons surtout les associations qui, comme « Berder ensemble », luttent contre ce hold up de l’hôtellerie de luxe sur les plus beaux sites, mais aussi proposent des solutions afin que ces endroits soient dévolus au plus grand nombre dans le respect de la nature, et militent pour que communes, départements, régions, voire Etat jouent leur rôle à cet effet.
Gabriel DELAHAYE