Lettre ouverte aux élus du Morbihan

Depuis mai 2016, le groupe Giboire est propriétaire de l’île de Berder (Larmor-Baden) et envisage d’y créer un hôtel de luxe avec parking, piscine/spa, extension sur 3 niveaux…

Le Collectif Berder Ensemble s’est créé pour exprimer son attachement à l’île de Berder comme bien commun à toutes et à tous, notamment dans le cadre d’un parc départemental, pour faire obstacle au projet Giboire et prouver qu’une issue alternative avec toutes nos intelligences est possible.

Pendant des années l’île de Berder a été un lieu d’accueil, d’éducation, de loisirs, de rencontre, de partage, de promenade, de création, de recherche, de formation, de sport, de culture, de repos, de contemplation… ouvert et accessible à toutes et à tous, à pied ou en bateau, au sein du Golfe du Morbihan.

L’avenir de Berder, joyau du Golfe du Morbihan, concerne tous les morbihannais·es, et le Collectif Berder Ensemble a interpelé tous les élus du Morbihan : députés, sénateurs, maires et conseillers municipaux, conseillers régionaux, conseillers départementaux, membres des communautés de commune et communautés d’agglo… sur l’avenir de Berder :

Objet : Île de Berder, quel avenir ?

Madame, Monsieur,

Le Collectif Berder Ensemble s’est constitué afin que l’île de Berder redevienne un bien commun à toutes et à tous. En ce sens, il s’oppose à la création par le groupe Giboire d’un complexe hôtelier de luxe dont il estime qu’il portera atteinte à la biodiversité, aux espaces boisés et aux richesses naturelles de ce site exceptionnel. Le collectif entend également défendre l’accès du public à l’intégralité du sentier côtier qui constitue une servitude de passage des piétons sur le littoral. Enfin, nous souhaitons proposer des alternatives au projet en cours pour le devenir de l’île. A ce titre, la création d’un parc départementale, projet soutenu par une pétition de plus de 13 000 signatures, nous paraît une opportunité à saisir dans l’éventualité où M. Giboire renoncerait à son projet hôtelier.

Aussi, nous nous permettons de vous informer de la situation et de solliciter votre soutien face à des interlocuteurs qui ignorent nos doléances, voire les méprisent ouvertement : la Mairie de Larmor-Baden, en ce sens qu’elle porte le projet en accordant au groupe Giboire un permis de construire qui répond aux objectifs de rentabilité économiques du projet mais nous paraît surdimensionné au regard des capacités d’accueil de l’île, la Préfecture du Morbihan dont nous estimons qu’à bien des égards elle se refuse à exercer son rôle de contrôle de légalité des actes, enfin le Conseil Départemental du Morbihan qui, par la voix de son Président M. Goulard, qualifie publiquement notre engagement de « billevesées ».

Nous observons ainsi que Monsieur Goulard refuse son rôle d’aménagement du territoire, en prétendant que cette île est trop chère, alors qu’il sait parfaitement du fait de l’étude Artelia que cette île ne peut pas accueillir une activité rentable si son foncier est payé plus de 2,6 millions d’euros. Certes, le Morbihan comporte 3600 hectares d’espaces naturels, mais aucun de ces espaces ne se situe au cœur d’une agglomération de 200 000 habitants et, qui plus est, est une île du golfe du Morbihan. Berder est idéalement placée pour devenir un parc départemental et tous le savent et il le sait très bien. Lorsque l’on regarde le nombre de promeneurs qui viennent chaque weekend, et qui considèrent Berder comme un but de promenade privilégié, Berder fonctionne déjà comme un parc départemental. Il ne manque juste que l’accès au 23 hectares de cette île…

Nous nous interrogeons notamment sur l’engagement sans réserve de la municipalité de Larmor-Baden aux côtés du groupe Giboire afin de lui permettre de mener à bien son projet hôtelier. Le PLU de la commune a été soigneusement élaboré dans la perspective d’accorder au groupe Giboire un permis de construire qui prévoit l’extension de 30 % du bâti sur un espace remarquable, la création d’un parking automobile de 97 places avec les nuisances qu’il suppose et les atteintes potentielles à la chaussée submersible empruntée par les promeneurs pour rejoindre le sentier côtier.

En 2018, le groupe GIBOIRE demande l’autorisation de défricher 3600m2 de forêt. 6 mois plus tard, la préfecture donne l’autorisation de défrichement. Suite à cette autorisation, trois associations émettent un recours gracieux contre cette autorisation de défrichement. À la suite de ces trois recours gracieux, la préfecture retire son autorisation de défrichement, considérant que l’autorisation de défrichement a été accordée sans tenir compte de l’ordonnance du T.A. de Rennes suspendant le PLU de Larmor Baden.

Malgré les réserves émises par les associations agréées de protection de l’environnement, M. Bertholom s’est toujours refusé à les rencontrer afin d’engager une conciliation sur ce dossier préférant ainsi s’exposer à des recours juridiques. Des contributions portées par ces mêmes associations lors de l’enquête publique ont également opportunément disparues de la restitution finale de cette étude. Nous déplorons ce manque de transparence qui s’illustre également dans la façon dont sont élaborés bon nombre de projets d’urbanisme sur la commune.

Par ailleurs, le silence de la Préfecture du Morbihan sur certains litiges en cours, suscite notre plus vive inquiétude.

Ces dernières années, M. Giboire a réhabilité les bâtiments dits de la « Pêcherie » au nord de l’île. Ces bâtiments, construits pour les deux tiers sur le domaine public maritime inaliénable, font l’objet d’une AOT (prorogée en 2016) et délivrée uniquement à des fins d’occupation pour des activités liées à la mer. Or M. Giboire en a fait des bâtiments à vocation résidentielle et les utilise pour son usage personnel certains week-ends, ce qui est une infraction. Dans ce même secteur, il a également aménagé des obstacles afin d’y interdire l’accès au public, privatisant de fait le sentier côtier et la servitude de passage qu’il constitue. En l’espace d’un an, de mai 2019 à mai 2020 les associations environnementales ont saisi M. le Préfet du Morbihan à quatre reprises par courrier afin qu’il rétablisse l’accès au sentier en établissant un procès-verbal de contravention de grande voirie à l’encontre du propriétaire de l’île. Là encore, ces requêtes sont restées sans réponse. L’AOT en cours concernant les bâtiments de la Pêcherie prend fin au 31 décembre 2020. Nous sollicitons votre vigilance afin qu’elle ne soit pas renouvelée en l’état par la Préfecture du Morbihan au profit de M. Giboire.

Plus récemment, suite au passage de la tempête Alex sur les côtes morbihannaises dans la nuit du 1er au 2 octobre 2020, M. le Préfet du Morbihan avait, par arrêté, interdit l’accès des sentiers côtiers au public jusqu’au 3 octobre. Pour le seul sentier de Berder, M. le Maire de Larmor-Baden a prolongé cette interdiction par quatre arrêtés municipaux successifs en date du 2 octobre, du 7 octobre, du 19 octobre et du 30 octobre. A ce jour l’accès à l’île est donc interdit au public jusqu’au 23 novembre, soit près de huit semaines après le passage de la tempête prétextant des dangers que constituent les nombreux arbres tombés et menaçants sur le sentier côtier. Or, après inspection par nos soins, il s’avère que la tempête n’a provoqué que des dégâts mineurs sur l’île, que très peu d’arbres ont été déracinés et que les risques invoqués sur l’emprise du sentier côtier nous paraissent infondés. Aussi, nous nous interrogeons sur les motifs réels de cette décision et redoutons qu’elle ait été prise dans l’intérêt de M. Giboire afin de lui assurer seul, la jouissance de l’île. En ce sens, notre collectif a adressé à M. le Préfet du Morbihan un courrier afin d’attirer son attention sur cette interdiction que nous jugeons abusive et sollicitant de sa part l’abrogation des arrêtés municipaux.  A ce jour, aucune réponse à ce courrier ne nous est parvenue.

Le refus du dialogue et de la concertation qu’affichent les collectivités locales comme les services de l’Etat nous semblent traduire un manque de considération envers notre collectif et les associations de protection de l’environnement qui portent pourtant des valeurs aujourd’hui très largement partagées dans l’opinion publique. Nous sommes convaincus que le sort de Berder, même s’il se joue à l’échelle locale, est aujourd’hui emblématique des choix qui s’imposent à tous devant l’urgence écologique. Aucun décideur public ni privé ne peut aujourd’hui contester aux citoyens leur désir de s’emparer des questions environnementales. Aussi, nous souhaiterions que, dans le cadre de vos fonctions électives, vous interfériez en notre faveur auprès des différents acteurs de ce dossier afin qu’ils reconnaissent notre légitimité à s’exprimer, à défendre des alternatives à la bétonisation et la marchandisation de l’île et qu’un véritable dialogue s’instaure pour construire ensemble, sur Berder, un projet respectueux de l’environnement et de la vocation patrimoniale de cette île.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.